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Vers une approche globale des déséquilibres du microbiote intestinal

Le syndrome de prolifération bactérienne de l’intestin grêle (SIBO), la prolifération fongique (SIFO) et la surcroissance méthanogène (IMO, ou Intestinal Methanogen Overgrowth) désignent des déséquilibres quantitatifs et qualitatifs du microbiote de l’intestin grêle. Ces conditions, encore sous-diagnostiquées en pratique conventionnelle, constituent pourtant une cause majeure de troubles digestifs fonctionnels chroniques, parfois confondus à tort avec un syndrome de l’intestin irritable (SII).

Le SIBO se caractérise par une surcroissance anormale de bactéries dans le jéjunum, entraînant flatulences, douleurs, diarrhées ou constipation selon la dominance hydrogène ou méthane. Le SIFO implique une prolifération de levures, principalement du genre Candida, tandis que l’IMO désigne une augmentation des archées productrices de méthane (Methanobrevibacter smithii), responsables d’un ralentissement du transit intestinal.

Sur le plan physiopathologique, ces proliférations résultent souvent d’un ensemble de facteurs : hypochlorhydrie, ralentissement du péristaltisme, anomalies anatomiques (adhérences, diverticules), dysfonction de la valvule iléo-caecale, ou encore usage répété d’antibiotiques ou d’inhibiteurs de la pompe à protons. La médecine fonctionnelle propose ici une lecture systémique, considérant ces troubles comme le reflet d’un déséquilibre plus global du terrain digestif, immunitaire et métabolique.

Le diagnostic repose essentiellement sur les tests respiratoires à l’hydrogène, au méthane ou au sulfure d’hydrogène après ingestion de glucose ou lactulose. Bien que critiqués pour leur sensibilité variable, ils restent actuellement les seuls outils non invasifs disponibles à large échelle. Des travaux récents, comme ceux de Rezaie et al. (American Journal of Gastroenterology, 2020), ont permis d’établir de nouveaux seuils diagnostiques pour l’IMO et de clarifier les profils mixtes.

La prise en charge intégrative se déroule en plusieurs phases. La première consiste à réduire la prolifération microbienne à l’aide d’antimicrobiens ciblés. La rifaximine, antibiotique non systémique, a montré une efficacité significative dans le SIBO hydrogène (Pimentel et al., New England Journal of Medicine, 2011). Pour les formes mixtes ou méthanogènes, l’association rifaximine-néomycine est recommandée. En médecine fonctionnelle, des alternatives phytothérapeutiques comme l’allicine, le berberis, l’origan ou l’extrait de neem sont également utilisées, avec des résultats équivalents démontrés dans l’étude de Chedid et al. (Global Advances in Health and Medicine, 2014).

En parallèle, une attention particulière est portée à la motilité digestive. L’utilisation de procinétiques naturels (gingembre, 5-HTP, acide butyrique) ou médicamenteux (prucalopride, low-dose naltrexone) permet de prévenir les récidives. La correction des carences nutritionnelles (vitamines B12, D, fer, zinc) est indispensable, ces conditions étant souvent associées à des malabsorptions.

L’alimentation joue un rôle central dans la prise en charge. Le régime pauvre en FODMAPs, bien qu’efficace à court terme, ne constitue pas une solution durable. La stratégie nutritionnelle évolue selon les phases : d’abord d’épargne fermentaire, puis de réintroduction progressive sous surveillance clinique. Une étude pilote (Peters et al., Clinical and Translational Gastroenterology, 2018) a montré une meilleure réponse clinique au traitement lorsque le régime FODMAP était associé à une supplémentation en fibres solubles modulatrices du microbiote.

Dans les cas de SIFO, les antifongiques comme le fluconazole peuvent être utilisés en première intention, mais une prise en compte des biofilms est essentielle pour éviter les résistances. Des enzymes spécifiques (serrapeptase, nattokinase) ou des agents naturels (acide caprylique, extrait de pépins de pamplemousse) sont souvent intégrés dans une approche plus globale.

Enfin, la médecine fonctionnelle insiste sur le « terrain » digestif : acidité gastrique, intégrité de la muqueuse intestinale, diversité du microbiote colique et équilibre du système nerveux entérique. Il ne s’agit donc pas seulement d’éradiquer une prolifération, mais de restaurer un écosystème digestif résilient, capable de résister aux récidives. L’usage de probiotiques spécifiques (notamment Saccharomyces boulardii, Lactobacillus plantarum, Bacillus subtilis), de prébiotiques bien tolérés et de peptides de colostrum s’inscrit dans cette logique de reconstruction.

À ce jour, la médecine fonctionnelle représente l’approche la plus structurée et la plus individualisée dans la gestion du SIBO, du SIFO et de l’IMO. Loin des traitements symptomatiques, elle propose une lecture causale, progressive, fondée sur l’écoute clinique, les marqueurs biologiques et une stratégie thérapeutique évolutive.

Magali Claverie

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