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Entre cerveau, intestin et molécules clés : vers une nouvelle médecine intégrative

La neuro-inflammation désigne une activation chronique du système immunitaire au sein du système nerveux central. Elle met en jeu des cellules gliales, en particulier la microglie et les astrocytes, et se retrouve au cœur de nombreuses pathologies neurodégénératives ou neuropsychiatriques telles que la sclérose en plaques, la maladie d’Alzheimer, la dépression résistante ou encore la fibromyalgie. Loin d’être un simple marqueur secondaire, elle constitue souvent un mécanisme causal aggravant les processus dégénératifs et altérant la neurotransmission.

Ces dernières années, la recherche a mis en lumière l’influence décisive de la nutrition et de la micronutrition sur la régulation de cette inflammation silencieuse. L’alimentation occidentale, riche en sucres raffinés, en acides gras saturés et en additifs, altère la perméabilité intestinale et favorise la libération de composés pro-inflammatoires comme les lipopolysaccharides (LPS). Ces molécules, issues de bactéries intestinales, peuvent franchir la barrière hémato-encéphalique, activer les cellules microgliales et entretenir un climat neuro-inflammatoire chronique. Une revue de Cani et al., publiée dans Nature Reviews Endocrinology en 2017, a clairement établi ce lien entre alimentation, endotoxémie métabolique et inflammation cérébrale.

Parmi les nutriments capables de moduler ce processus inflammatoire, les acides gras oméga-3 à longue chaîne (EPA et DHA) occupent une place centrale. Leurs dérivés, comme les résolvines et les protectines, exercent un effet anti-inflammatoire spécifique au niveau cérébral. Une méta-analyse publiée dans Frontiers in Physiology en 2020 par Layé et ses collaborateurs démontre leur capacité à réduire l’activation microgliale dans des modèles animaux de maladies neurodégénératives.

La vitamine D, bien connue pour son rôle immuno-modulateur, agit également comme un frein à la production de cytokines pro-inflammatoires telles que l’interleukine-6 ou le TNF-α. Des taux sériques insuffisants ont été corrélés à une majoration du risque de dépression inflammatoire, comme l’a souligné une étude de Groves et al. dans Nutrients en 2020. D’autres molécules d’origine végétale, notamment les polyphénols comme la curcumine ou le resvératrol, agissent en inhibant la voie de signalisation du NF-κB, acteur central de la transcription des gènes inflammatoires. Le resvératrol, en particulier, a montré une réduction mesurable de l’inflammation hippocampique chez des patients diabétiques de type 2 selon les travaux de Timmers publiés dans Cell Metabolism.

Les oligo-éléments tels que le zinc, le magnésium ou le sélénium participent à l’homéostasie immunitaire et à la modulation des réponses inflammatoires. Un déficit en magnésium est, par exemple, associé à une excitotoxicité accrue et à une diminution des capacités de réparation neuronale.

Un élément souvent sous-estimé dans l’analyse de la neuro-inflammation est le rôle fondamental de la mitochondrie. Cette organelle, longtemps cantonnée à son rôle de centrale énergétique, joue un rôle central dans l’équilibre redox neuronal et la régulation de l’apoptose. Lorsqu’elle est dysfonctionnelle, la mitochondrie devient elle-même productrice de signaux de danger, notamment à travers l’excès de radicaux libres et la libération de DAMPs (Damage-Associated Molecular Patterns) susceptibles d’activer la microglie. La nutrition mitochondriale, encore peu vulgarisée, fait appel à des cofacteurs essentiels comme la coenzyme Q10, l’acide alpha-lipoïque, la carnitine ou encore certaines vitamines du groupe B. En restaurant le fonctionnement mitochondrial, il devient possible de réduire à la source les signaux d’alerte inflammatoires, en particulier dans des affections comme la maladie de Parkinson ou la fatigue chronique.

Sur le plan thérapeutique, plusieurs pistes concrètes s’imposent. L’adoption d’un régime alimentaire de type méditerranéen, riche en végétaux, en oméga-3 marins, en fibres fermentescibles et pauvre en produits transformés, s’avère bénéfique. En complément, une supplémentation ciblée, fondée sur des bilans biologiques individualisés, peut restaurer les taux optimaux en micronutriments impliqués dans la modulation neuro-inflammatoire.

Enfin, la médecine de demain devra s’appuyer sur une approche plus fine et personnalisée, intégrant les données du microbiote, du métabolome et de la génomique nutritionnelle. L’enjeu est de passer d’une logique symptomatique à une logique de terrain, où le cerveau ne serait plus considéré comme une entité isolée, mais comme le prolongement fonctionnel d’un écosystème métabolique dans lequel l’alimentation et la micronutrition jouent un rôle structurant.

Magali Claverie

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